Le noon khamei et les manifestations pour la liberté en Iran
Le noon khamei en Iran et les autres desserts autour du globe nous permettent d’en savoir plus sur l’histoire et la culture d’une communauté. La façon dont nous partageons les desserts révèle la colonisation, les échanges ou encore les alliances entre les pays et les empires. Nos manières de profiter de ces desserts symbolisent parfois l’inégalités des richesse, ou bien, des moments de calme politique. Aujourd'hui, nous souhaitons sensibiliser le public aux manifestations qui se déroulent présentement en Iran et ce qui les a provoquées, le tout à travers l'exploration d'un dessert très apprécié de ce pays.
Des noon khamei avec des pistaches et des roses
Le noon khamei
Ces ravissantes petites boules de pâte feuilletée et de crème fouettée sont un dessert extrêmement populaire en Iran. En farsi, noon khamei se traduit par « pain à la crème fouettée ». Bien que les Iraniens en mangent à l’année longue, ces pâtisseries sont particulièrement appréciées lors du nouvel an perse, en mars.
Si vous connaissez les profiteroles, vous reconnaîtrez peut-être certains points communs entre ces deux desserts. En effet, le noon khamei s'est inspiré des célèbres choux à la crème français. Toutefois, depuis leur première apparition en Iran au cours du XXe siècle, le noon khamei a été adapté aux goûts locaux, créant ainsi une pâtisserie avec un peu moins de sucre et bien sûr, une touche d'eau de rose.
Noon khamei végétaliens saupoudrés de sucre glace et de morceaux de rose (Plant-Based Persian)
La rose représente l'une des principales caractéristiques de la cuisine iranienne. Bien que plus de seize mille types différents de roses sont cultivées aujourd'hui, la rose de Damas est utilisée pour fabriquer l'eau de rose. Il est difficile de dire exactement d'où provient cette fleur, puisqu’elle est très ancienne, mais de nombreux historiens s'accordent pour dire qu'elle se trouvait probablement quelque part en Asie du Sud-Ouest et en Afrique du Nord. L'Iran étant situé en plein cœur de cette région, le pays entretient une relation de longue date avec cette fleur. Comme la Turquie (nous avons parlé de ce pays dans notre blogue sur la glace pilée), les Iraniens utilisent fréquemment les roses dans la nourriture, les parfums, la religion et la médecine depuis au moins le XIe siècle.
Si vous essayez quelques-uns de ces délicieux noon khamei à saveur de rose, assurez-vous de les prendre avec du thé. Le thé est un aspect central de la culture iranienne et son association avec les pâtisseries relève presque des rituels. En Iran, le dessert et le thé ne sont pas associés à la fin du repas; ils sont traités comme un moment séparé et distinct. Les thés forts et sombres sont choisis pour accompagner les desserts du matin, et les thés plus légers, pour l'après-midi ou la soirée. Pour le déguster de manière traditionnelle, tenez un morceau de sucre entre les dents tout en buvant : le sucre adoucit le thé. Si vous êtes curieux de savoir ce que vous pouvez assortir avec le noon khamei, consultez notre blogue sur les différents types de thé ! D’ailleurs, avant le XIXe siècle, le café était toujours la boisson de choix pour accompagner le dessert en Iran. Cependant, comme pour les profiteroles françaises, l'inclusion du thé dans la culture iranienne a pris de l’ampleur dû à l’influence de pays voisins, notamment l'Inde.
Le thé offre un instant de calme et de rituel (Friendly Iran)
La culture culinaire iranienne
L'Iran possède l'une des plus anciennes villes continuellement habitées au monde, et son histoire en tant que pays est incroyablement riche. Avant de tourner une page historique en 1935 en changeant de nom, l'Iran était connu sous le nom de Perse. Ce nom provient de l'Empire perse, un empire complexe qui a existé de 559 à 331 avant J.-C. Bien qu'il s'agissait d'une puissance mondiale qui s'est étendue et a conquis de nombreuses nations, son respect des cultures conquises était unique en son genre. Les historiens supposent que le premier chah (roi) de l'Empire perse, Cyrus le Grand, estimait qu'il pouvait mieux garder le contrôle s'il laissait vivre les rois conquis et s’il permettait aux nations de conserver leurs religions, leurs coutumes et leurs langues – voilà une preuve de tolérance, de compassion et d'ouverture d'esprit !
Cette attitude de partage de la culture est encore présente dans de nombreux aspects de la culture iranienne d'aujourd'hui. En examinant leurs desserts, bien qu'ils soient clairement distincts, on y retrouve de nombreuses influences d'autres pays (comme celle des profiteroles ou du thé par exemple). L'empire perse originel comprenait notamment l'Égypte, la Turquie, l'Inde, l'Afghanistan et le Pakistan, d’où le fait que les échanges entre les cuisines de ces pays fussent nombreux. Les façons dont l'Iran a intégré leurs desserts sont évidentes. Les Iraniens ont tendance à y ajouter des épices locales, comme de l'eau de rose, du safran et de la cardamome. Nous avons un blogue célébrant le desserts iraniens (ou Norouz) et ses desserts si vous souhaitez découvrir d'autres desserts iraniens.
Choux à la crème avec de l’eau de rose et des pétales de roses sucrées (Honest and Tasty)
Les manifestations pour la liberté en 2022
Ces derniers temps, le goût sucré du noon khamei a été mis à mal par la souffrance en Iran. Le pays est secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa « Jina » Amini, 22 ans, décédée en détention par la police le 16 septembre 2022. Elle avait été arrêtée en raison des lois iraniennes strictes sur la moralité qui obligent les femmes à porter le hijab (également connu sous le nom de voile) en public. Le non-respect de ces lois peut entraîner une lourde amende ou même une peine de prison (dans le passé, ces peines étaient encore plus sévères, comprenant des peines de prison plus longues et soixante-quatorze coups de fouet). Cependant, des images circulaient montrant Mahsa Amini portant son voile le jour où elle a été arrêtée par la police des mœurs. Celle-ci a déclaré qu’Amini ne le portait pas correctement, ce sur quoi son père a ensuite insisté le contraire. Jusqu’à maintenant, seuls le moment de son entrée dans le poste de police et la nouvelle de son coma ont été rendus publics et officiels. Or, la police iranienne n'a pas donné accès aux moments intermédiaires. Il est devenu très clair pour de nombreux Iraniens que sa mort est le résultat de la brutalité policière subie durant son emprisonnement, et qu'elle représente un énième cas d’oppression gouvernementale contre laquelle beaucoup se battent depuis des décennies.
Ce mouvement s'inscrit dans une longue histoire de colère des Iraniens face à leur liberté restreinte. Si le régime du chah était loin d'être parfait, avant la révolution islamique de 1979, l'Iran suivait bon nombre des évolutions classiques du XXe siècle en matière d'égalité entre les sexes, comme l'accès des femmes à l'enseignement supérieur, le droit de vote et même le port du bikini sur la plage. Toutefois, cette liberté était également limitée à certains égards, notamment par l'interdiction de porter le voile. En 1979, un nouveau régime, inspiré par Ayatollah Khomeini et sa révolution fondamentaliste, a instauré une théocratie (un système de gouvernement dirigé par le clergé). Bien que la majorité de la population soit laïque, de nouvelles lois ont imposé la religion dans la vie publique, notamment le port obligatoire du voile. Ce contrôle des femmes n'est qu'un exemple de comment le pays a fondamentalement changé presque du jour au lendemain. Suite à ce changement de régime, de nouvelles manifestations ont commencé lorsque les gens ont compris que le nouveau gouvernement serait encore plus répressif que l’ancien. Les gens ont scandé : «Nous n'avons pas fait de révolution pour revenir en arrière ». Les lois iraniennes ont fluctué au fil des années depuis la révolution de 1979, mais un bon nombre d’hommes et de femmes incroyablement courageux ont continué à protester malgré les casiers judiciaires, les blessures physiques, les longues peines de prison et les meurtres massifs de manifestants.
Photo par Ali Eshtyagh de manifestants brandissant des pancartes de Mahsa Amini (DW)
L'été qui a précédé la vague actuelle de manifestations a été marqué par de nombreuses frustrations liées aux pénuries d'eau, aux manifestations d’enseignants, aux difficultés économiques dues aux sanctions occidentales et aux scandales de corruption. L'événement tragique de la mort de Mahsa Amini a uni de nombreuses personnes qui ont été poussées à bout. Les gens ont manifesté, fait la grève, brûlé leurs hijabs et se sont coupés les cheveux en signe de solidarité et de mépris. Il est difficile d’obtenir de l’information constante, car l'accès est limité pour les médias extérieurs et toute séquence vidéo venant du pays est interdite. Il y a toutefois eu des fuites de vidéos, et selon la BBC, « Iran Human Rights, un groupe basé en Norvège, a déclaré qu'au moins 201 personnes, dont 23 enfants, ont été tuées par les forces de sécurité. Les forces de sécurité ont nié avoir tué des manifestants pacifiques, mais elles ont été filmées en train de tirer à balles réelles dans les rues. »
Ces personnes risquent leur vie en luttant pour la liberté, l’égalité et les droits de la personne. Si vous cherchez à aider, le magazine Time a dressé une liste de ressources pour soutenir les manifestants en Iran, qu’il s’agisse de faire des dons, de signer des pétitions ou de sensibiliser le public. Il est crucial de parler de ce sujet, car l'attention internationale peut faire pression sur le gouvernement iranien et faire en sorte qu'il rétablisse la liberté du peuple iranien.
Nous espérons que cet article vous a donné envie d'en savoir plus sur les manifestations et la situation politique actuelle en Iran. Si vous souhaitez goûter au noon khamei, vous pouvez essayer les desserts iraniens près de chez vous et soutenir les chefs et les boulangeries iraniennes de votre région.